La presse féminine pour adolescentes : une analyse de contenu [notes de lecture]

J'ai lu avec intérêt la thèse de Caroline Caron sur le contenu des magazines québécois destinés aux adolescentes. Puisque je veux travailler sur la perception des élèves par rapport à ce genre d'écrits, cette analyse de contenu me sera très utile. Je pourrai donc me servir de ses observations comme base lorsque je travaillerai avec mes élèves. D'autant plus que sa bibliographie me sera sans aucun doute très utile.

Caron fait donc l'analyse d'un corpus de trois magazines (Cool, Adorable et Filles d'aujourd'hui) sous trois volets : le contenu éditorial, la publicité et le contenu photographique. Détail intéressant : les exemplaires étudiés datent tous de l'année 2002, soit ma dernière année de secondaire, et le moment où j'ai à peu près cessé de consulté cette presse (j'ai été abonnée à Filles d'aujourd'hui pendant toute mon adolescence, en plus d'avoir hérité d'une pile de vieux exemplaires des années 1980).

Les conclusions de cette étude surprennent peu, malheureusement.

« En fait, les résultats de l'analyse de contenu des magazines pour adolescentes montrent que dans notre société, même si les femmes ont accès au marché du travail et à une gamme de possibilités tant sur le plan personnel que professionnel, on continue à leur prodiguer des messages qui leur inculquent une vision particulière et normative de la féminité et des rapports hommes-femmes. » (p. 131)

« Les messages sur la vie de couple tendent à confier la responsabilité de la réussite amoureuse aux jeunes filles. Ces messages insistent sur les relations sexuelles et orientent la conduite des filles selon une conception essentialiste des sexes. Les articles tirés de la catégorie "égalitaire", non dépourvus du thème des relations amoureuses, reposent sur une conception conservatrice de l'identité; ils la limitent à sa dimension personnelle (en excluant sa dimension sociale). Le rôle de l'école dans le développement personnel et social, celui de l'activité physique dans la santé, de même que les modèles identitaires progressistes ne sont pas nécessairement mis de l'avant. Bref, si le contenu des articles de la presse féminine adolescente rend compte de la représentation que ses producteurs ont de leur lectorat, il semble que selon eux, les jeunes lectrices ne sont intéressées qu'à leur apparence physique, à la mode, à la beauté et qu'elles sont obsédées par les garçons (qu'elles sont donc hétérosexuelles). La quasi-absence d'articles sur les questions sociales et politiques (2,8%) confirme que les adolescentes sont conviées, dans ses revues, à un univers narcissique et souligne, du même coup, la pauvreté de l'information qu'on y retrouve. » (p. 134)

« Les magazines féminins pour adolescentes, malgré le modernisme qu'ils affichent au moyen d'un graphisme raffiné et de titres accrocheurs, véhiculent des messages plutôt rétrogrades sur la féminité et les rapports hommes-femmes. La vision du monde qui y est proposée est empreinte de clichés et déconnectée du quotidien. » (p. 136)

Malgré cela, Caron ne condamne pas ces magazines et privilégie l'éducation aux médias (oh! un DGF!) plutôt que la censure et l'interdiction.

« Les connaissances produites dans cette recherche pourraient, dans le même ordre d'idées, être exploitées de diverses façons dans l'élaboration d'activités d'éducation aux médias dans les écoles secondaires. Il pourrait être intéressant de discuter du contenu éditorial et de faire prendre conscience aux élèves de la prédominance de certains thèmes et de l'absence de certains autres. On pourrait comparer les contenus de ces revues à ceux offerts par d'autres médias, ou même par la presse éducative et la presse magazine "grand public", de façon à interroger la notion d'information et à la distingue de la notion de publicité. » (p.137)

En effet, la publicité n'est pas toujours bien délimitée et se retrouve souvent dans du contenu éditorial, dans des suggestions mode ou produit de beauté.

Caron conclut en parlant de l'importance d'interroger le public de cette presse, les adolescentes, afin de comprendre pourquoi elles lisent ce genre d'écrits, mais surtout, ce qu'elles en retirent. Ce qui m'encourage donc à poursuivre dans ma démarche, en plus de me donner plusieurs outils pour le faire.

Référence : Caron, Caroline. (2003). La presse féminine pour adolescentes : une analyse de contenu. Thèse de maîtrise (communication publique), Université Laval, Québec.

Note : Mme Caron est lauréate (2004) du prix Gremf/Elsie MacGill, qui vise à « récompenser un travail de recherche remarquable selon une perspective féministe, c'est-à-dire dans une perspective susceptible de faire évoluer les mentalités au sujet des femmes et les conditions de vie de celles-ci » (Site de la Chaire d'étude Claire Bonenfant sur la condition des femmes, http://www.etudesfeministes.fss.ulaval.ca/ChaireClaire-Bonenfant/autres_prix.html)

Un bon résumé tiré d'Au fil des événements par Renée Larochelle : http://www.scom.ulaval.ca/Au.fil.des.evenements/2004/05.06/presse.html

Comments

[Cath]

En fait, dans le corpus utilisé, il y avait un article sur l'homosexualité et sur le fait que c'est normal de se poser des questions à l'adolescence, mais ce n'était qu'un article parmi tant d'autres qui expliquait comment "pogner" avec les garçons.

Donc, une minorité d'articles.

[Alexandre P.]

Et n'oublions pas, en lien avec la réussite personnelle, l'image des garçons qui est véhiculée dans ces magazines. Les garçons qui sont présentés comme intéressants sont tous des modèles stéréotypés. Ça laisse croire aux jeunes filles que pour qu'elles réussissent, pour qu'elles aient le bonheur et le succès, elles doivent trouver un copain qui corresponde à ce modèle stéréotypé.

Un passage qui m'a accroché est celui-ci : "il semble que selon eux, les jeunes lectrices [...] sont obsédées par les garçons (qu'elles sont donc hétérosexuelles)." Et ça m'intrigue : est-ce que ces magazines pour adolescentes traitent (de temps à autres, au moins) de la question de l'orientation et de l'identité sexuelle ? Histoire qu'une jeune fille qui découvre son homosexualité ne se sente pas mal, anormale...